Il n'en fallut pas plus pour qu'enfin,
après une année et demie de trail, la première inscription pour un
plus de 100 km se fasse. Une connerie me direz vous ?? Ça je ne
vous dirai pas le contraire, mais qu'est qu'il fait bon être con !
Nous voilà donc, après une année
très riche en émotions trailesques et riche en rencontres, au pied,
que dis-je, à la porte de ce monde merveilleux, un monde qui va
répondre à toutes mes attentes et confirmer mes intuitions (mais
nous verrons ça plus tard).
Revenons sur les quelques semaines qui
ont précédé cette aventure. Pour faire simple, je ne me suis pas
pris la tête à l'exception d'une chose : la bouffe !!!
Ben oui, à force de voir les gens autour de moi rigoler sur mon
régime -ette, je me suis dit que cette fois-ci, pour entrer dans le
monde des adultes du trail, il fallait peut être arrêter de manger
comme un ado les quelques semaines précédant la course. Du coup à
moi le riz, les lentilles, et tous ces autres légumes bizarres que
l'on ne trempe pas dans l'huile, et assainissement du corps avec une
réduction drastique de la prise de houblon (même si j'ai craqué
l'avant-veille). J'ai même remplacé les majestueux burgers par du
poulet et de la viande blanche !!! Tout part en sucette c'est
moi qui vous le dis !
Bref, pour le côté alimentaire, j'ai
donc essayé (non sans écarts, faut pas déconner) de faire
attention pour prévenir les carences ; et côté préparation,
j'ai opté pour la méthode MFF (mountain for fun). En effet, au
diable les plans d’entraînement carrés et tout le tintouin !
Moi qui ne suis déjà pas capable de suivre un programme pour le
boulot, je ne vais pas m'enclaver dans un truc rigoureux pour mon
plaisir !!! Mon plan s'est donc plutôt développé autour de
pures sorties montagnes avec le Chris, de week-ends chargés en
rigolade (avec les amis) avec quand même un week-end choc au milieu
où j'ai fait la 6d lacs le samedi et les 5 refuges du tour des Fizz
en serre-file le dimanche ; mais outre ça, je ne pense pas
être un bon client pour la rédaction d'un plan pour Endurance
magazine super montagne trail !
L'échéance approche, approche et avec
ça commencent à arriver les doutes : suis-je capable de faire
ça (je m'en sens capable) ? Ai-je bien les capacités de le
faire (ça je n'en sais fichtre rien mais mentalement je suis plutôt
bon) ? Vais-je apprécier la bière de finisher (alors là, y a
plus de doutes, faut y aller. Dans ce domaine là, j'excelle !) ?
On me demande d'estimer un peu mon
effort mais j'en suis clairement incapable. Je réponds souvent que
sous les 45 heures ça serait bien cependant l'objectif ultime est
quand même d'être finisher avec un bonus sous les 42 heures mais je
n'y crois pas trop !
Après une petite soirée le mercredi
soir avec les amis du club pour fêter l'arrivée de notre
accompagnatrice de choc, Marion, à Lyon ; une récupération
aux aurores de Chris vers chez lui ; nous voilà donc en route à
7h le jeudi pour Nissa la belle et une petite balade champêtre de
145km à travers le Mercantour ! Arrivés sur place, nous nous
dirigeons directement vers le retrait des dossards sous une chaleur
prenante. On est dans le vif du sujet, il va faire chaud.
L'organisation nous conseille de partir avec 1,5 L plutôt qu'avec
1L. On prend une petite photo d'avant-course, notre tee-shirt de
dotation et notre gobelet. L'excitation est tellement grande que je
vais même oublier une de mes gourdes au check-in des sacs (ça
commence bien...) et direction l'appartement qu'on a loué pour
l'occasion.
Lors de la soirée, on se repose, petit
moment piscine, on fait les sacs, on prépare les dinosaurus pour moi
et la nourriture de singe pour Chris, un dernier petit scan de la
course et au dodo pour une bonne dernière nuit avant mon premier
ultra !
Après une bonne nuit bien remplie de
doux rêves, c'est le jour J. Cela fait quasiment un an que j’attends
ça, je suis comme un gamin. On décolle pour la ligne de départ
vers 14h, on se pose dans la voiture une bonne heure pour refaire une
petite sieste et on se dirige au point de rdv (clique ici pour la
petite musique
https://www.youtube.com/watch?v=94dY-QxjDiE
), sous les pinèdes, au chaud, pour enfin aller s'aligner et prendre
le départ de l'édition 2016 de l'ultra trail Côte d'Azur
Mercantour !
Le speaker l'annonce, il va faire chaud, c'est un
ultra
exigeant, il va falloir gérer l'effort et ne pas surchauffer.
16H25, l'ambiance monte sur la ligne. 500 coureurs veulent en
découdre avec ce tracé qui relie la mer aux montagnes. Christophe
revoit celui qui était devant lui à l'ultra trail du Verdon,
échange deux trois mots. L'ambiance est à son comble, les coureurs
se regardent, on sait que pas mal d'entre nous vont souffrir, vont
passer de la joie aux larmes, vont aller puiser dans des ressources
inexplorées mais le plus important va être la découverte :
découvrir ces paysages, ces gens avec qui l'on va partager cette
aventure. 4... 3... 2... 1 ! C'est parti pour l'aventure et 145
kilomètres à travers le massif du Mercantour. Je commence sur un
rythme assez bon, tellement bon que dans le troisième virage
j’entends Christophe me dire : « Euh Mamath ! T'es
devant moi là ! », signe que je démarrais trop fort et
qu'il fallait appuyer sur la pédale de frein.
Les premiers kilomètres nous mettent
directement dans le vif du sujet, on est sous un cagnard affreux en
pleine montée du Mont Chauve, supra exposé... On sent immédiatement
que la course va être difficile, pas un bruit dans le peloton, les
gens sont concentrés, seul le bruit du souffle des coureurs se mêle
à celui de la nature. J'essaye de lancer mes vannes de merde à la
Patrick Sébastien mais personne ne réagit, je me dis alors que
j'ai bien fait de ne pas faire comique! Bref on avance sous un soleil
et dans un silence de plomb, l'ambiance qui fait rêver !!! Si
c'est comme ça pendant 45 heures, je ne suis pas sorti de la berge !
On avance, on avance, on passe la première bosse et nous nous
élançons jusqu'au ravito des ruines de Chauffante où je suis en age et ne rêve que d'un coca bien frais, mais en arrivant là-haut
c'est la douche chaude... Pas de coca et l'eau qu'ils ont a un peu
chauffé à cause du soleil... Heureusement que le sourire des
bénévoles est bien présent car le coup de chaud n'est pas loin.
Après une brève discussion avec un certain Guillaume qui est un
pote du président de mon association, TrailOutdoor69, je décide de
ne pas trop rester et de continuer pour ne pas prendre un coup de
soleil.
Quasiment après le départ de ce
ravito, j'essaye de réengager la discussion avec des gens et je n'ai
pour écho que le silence radio à nouveau jusqu'au moment où, alors
que je suivais un homme en jaune (non pas un mec de la DDE), je lui
dis : « Excuse-moi, on a dû te la faire, mais pourquoi
t'es en poussin ? » et il me répond que c'est son surnom.
On papote un petit peu, il s'appelle Sylvain (syl06 sur kikourou) et
fait l'ultra
avec son pote Clément. Je vais les croiser pas mal de
fois mais à ce moment-là ils sont dans un rythme un peu plus
soutenu et j'accuse encore un peu du coup de chaud. Je les laisse
alors filer.
Les minutes passent mais ne se
ressemblent pas ; j’aperçois un drapeau costaricain sur un
sac et lance un : « ¿
Ola, qué tal ? ¿
De dónde
vienes ? » et je me vois aussitôt répondre : « ¿
Hablas español ? »
et là allait commencer un bon moment de partage avec une personne
incroyable, j'ai nommé Cinthya Castro. :) Durant tout le reste de la
route jusqu'à Lévens, on va papoter et se marrer. Elle était venue avec son ami Thierry mais était partie un peu devant .
Ça continue à bien monter mais le
temps s'adoucit et le trajet partagé avec Cinthya devient hyper
agréable du fait de sa bonne humeur (j'apprendrai par la suite que
cette nana est simplement une grande malade car elle voulait
enchaîner le 144 et le 55 le lendemain...). Chemin faisant, on
arrive dans un bon rythme à Lévens. Dès l'arrivée, Marion est là
sur le côté et est surprise de me voir arriver si vite. Faut dire
que j'ai une légère avance (5h15 au lieu de 6h37). Elle assure en
me donnant cash un coca que j'attendais depuis longtemps,
m'annonce que Chris est 15e et hyper frais et est vraiment au top. Je
lui fais part de mon début de course, que tout est ok, je lui dis
aussi que ma gourde s'est mise à fuir et lui demande si elle peut
changer la gourde en gardant la tétine pendant que je vais
m'alimenter, mais à ce moment-là j'ai dû mal m'exprimer car elle
m'a changé la tétine et je ne m'en suis rendu compte qu'après être
reparti. :p
Cinthya me demande alors à quelle
heure je compte repartir. Je lui fait part de ma volonté de repartir
vers
22h15 mais je me sens bien et je n'ai pas besoin de rester plus
longtemps, du coup, à 22h05 je repars pour aller découvrir la suite
du parcours.
Le parcours continue un peu à
descendre après Lévens. Je suis reparti seul du ravito. J’aperçois
alors un petit groupe de frontales un peu plus loin et me dis que ça
ne serait pas mal d'attaquer la montée à la Madone accompagné, du
coup j'engage la descente avec vigueur. Dans tout les cas, avec mon
super bandeau de TrailOutdoor69, je ne peux que super descendre et
arrive assez vite au niveau du petit groupe. Là un deuxième moment
de partage va naître avec un jeune coureur, François Lachatre. Tout
de suite ça colle, on papote, on se relaie en montée. Dans le petit
groupe nous sommes avec deux vétérans tous deux finishers de belles
courses comme la TDS et la diagonale, on se dit donc que malgré
notre inexpérience on s'en sort pas mal pour des bleus bites (enfin
va quand même falloir tenir la distance avec nos moteurs de
jouvencelles).
La montée est raide pour rejoindre le
sanctuaire de la Madone mais tout doucement on prend notre mal en
patience, elle est longue et dure (comme ma b... Euh non, je peux pas
dire ça...) mais en arrivant vers le sommet on commence à entendre
de la musique et des cloches ! Ça motive et on ne va pas être
déçus... En effet, en arrivant au sommet, un bon groupe de joyeux
lurons est au taquet et ça booste à mort ! Le moral n'est pas
mauvais mais quand l'ascension est longue, c'est un réel soulagement
de voir des bénévoles aussi enjoués et là ils ont fait le job
au-delà de toutes les attentes des coureurs !! Encore merci à
vous si vous vous reconnaissez. ;)
On attaque donc la descente sereins
avec François qui a déjà reconnu la portion. Je lui fais part
d'une gêne due au frottement de mon short et lui demande s'il a par
hasard de la nok. Il me dit que non mais qu'à Utelle au
ravitaillement nous chercherons ça et que nous
aurons une fontaine pour nous rafraîchir en plus, ce qui
n'est pas pour me déplaire vu la chaleur qu'il continue à faire !
Il me dit aussi son intention de s’arrêter un tout petit peu car
la suite demande un peu de force et il va falloir en avoir encore
sous le capot pour arriver au ravito suivant se situant au col
d'Andrion.
Nouvelle surprise en arrivant à
Utelle, un super ravito mené de main de maître, on se croirait aux
guinguettes ! D'un comme un accord avec François on prend 15
minutes de pause et là directement un gars vient me voir et me dit :
« Tu cherchais pas de la nok ? » Ouuuuuuuuuuuuh
purée ! Mon sauveur ! Enfin... le sauveur de mon
entre-jambe... (non pas celui là petits vicieux) C'est juste que le
frottement du short sur mon entre-cuisse commençait à me brûler et
grâce au nok, ça glisse Alice !
Après donc un petit moment de nokage,
je mange un demi-sandwich, fais le remplissage des gourdes pour la
montée, un petit merci aux bénévoles et à 1h26 nous voilà
repartis pour affronter la suite de l'aventure ! C'est assez
sympathique de partager ce moment avec lui car on est tous les deux
dans l'inconnu pour la distance. Il a tout de même un avantage, il a
déjà reconnu entre Utelle et Roquebillière. Pour ma part, je
gardais en tête le conseil de Florian Olivier me disant qu'il
fallait en garder sous le pied pour après Roquebillière sans quoi
le risque c'était de faire exploser le moteur !!
On y va donc tranquille en direction de
la brèche d'Utelle, on se fait dépasser par Poussin et Clément qui
étaient restés un peu plus longtemps au ravito, et là, François
commence à me faire part de douleurs au ventre. J'essaye de le
rassurer, de lui dire que ça va passer mais plus on avance plus le
rythme diminue et plus il a mal... Merde, je suis peiné pour lui,
pas facile d'avancer avec un mal de bide ; j'ai le souvenir de
ce que ça fait, ayant vécu la même chose à la Sainté-Lyon et ce
n'était pas des plus agréables... Il tient bon et on arrive à
passer la brèche ensemble pour attaquer le col d'Andrion mais
quelques instants après il me dit de partir devant car il ne sait
pas ce que son bide lui joue comme tour et il ne veut pas trop me
ralentir. Je prends donc la décision de partir devant en espérant
le revoir assez vite (ce qui ne fut pas le cas malheureusement. Il a
abandonné en haut du col d'Andrion en étant 1er espoir 2 heures
devant le 2e. Encore bravo à toi Francois !).
Afin d’entamer cette montée qui
allait se faire seul, je décidai donc de sortir l'arme ultime, ce
que tout coureur de cet UTCAM a dû m'envier... ou pas ! Ma
playlist de rêve et mon super mp3 !Mais qu'est-ce qu'il a de
spécial me demanderez-vous ??? Eh bien en fait, quelques jours
avant la course, ne sachant pas quoi mettre sur mon mp3 pour passer
mes deux nuits, j'ai demandé à mes contacts Facebook de me donner
chacun un titre de musique afin de penser à eux et de me donner la
patate et je n'allais pas être déçu !!!!
En effet, dès la première montée je
suis dans le bain et mon mp3 décide d'ouvrir le bal nocturne avec
une douce mélodie de Lorie qui me rappelle qu'elle sera toujours ma
meilleure amie. Suivent alors des huskies du Pôle Nord qui sont
vraiment très forts ! Sans oublier « Foreverrrrrrrrrr !
Magnolia foreverrrrrrrr ! ». Si tu veux t’imaginer un peu ma
montée à ce moment-là, clique ici :
https://www.youtube.com/watch?v=KLUX6Hq_ujk
. Maintenant que tu as l'ambiance musicale, tu t'imagines dans un
sous-bois avec ta frontale qui t’éclaire le chemin, t'es dans le
move (le mouvement en français), tu prends le ruizeum (le rythme en
français), tes bâtons dans les mains et t'avances comme si t'étais
dans un cours de step mais dans la nature, avec ce beau déhanché
digne de Véronique et Davina ! Avoue que là t'as la banane et
le powaaaaaa (la patate en français) !
Ayé la machine est en route, je monte
dans un bon rythme à coup de Queen, Red Hot Chili Peppers et Maniac,
je prends le temps de couper un peu le son pour doubler un coureur
prénommé Christian qui m'explique que l'an dernier il avait démarré
sur les chapeaux de roues avec une 18e place conservée jusqu'à
Boréon et qu’après Roquebillière, c'était coton. Cela renforce
donc les dires de Florian et renforce aussi mon intention de
m’arrêter. Je repars donc avec comme objectif d'arriver le plus
tôt possible à Roquebillière histoire de me poser correctement et
de repartir de toute première fraîcheur sentant la menthe et le
jasmin...
J'entame donc la fin de la montée sur
le Tournairet avec la patate refilée par ma playlist et j'avoue que
peu importe la chanson je me marre, que ce soit grâce à la
« Lambada » ou « Résiste » de France Gall,
je pense à vous qui avez soumis les titres et rigole de chaque
situation, ce qui fait tellement passer le temps que je ne me rends
même pas compte du passage au mont Tournairet, et là ça va être
le kif, quasiment le plus grand kif de cet ultra : la descente de
Roquebillière , « C'est de la merde, c'est ultra cassant ! »
; « L'horreur avant la deuxième partie ! » ; « Un
pierrier infinissable ! » disaient-ils !!!! Mais moi je me
suis senti dans mon élément, faut dire que là, après avoir
arpenté les chemins de la Mecque des caillouteux (L'Échappée
Belle) tout le reste n'est que plage de sable. De plus, les sorties
semi-croustillant avec Chris m'ont bien dressé les jambes à ce type
de terrain et là le fabuleux mp3 va aussi faire son office. Pour
t'immerger dans le bain regarde la photo
et clique ici.
https://www.youtube.com/watch?v=l-qgum7hFXk
Avec ça je détale tel Speedy Gonzales, survolant les cailloux avec
mon sombrero et mon poncho, je me sens Cabrima (un mélange de cabri
et de lama), je m’éclate comme un gamin, les jambes tournent
toutes seules, les virages s’enchaînent, c'est le kif total !!
Le terrain est accidenté, ça me fait un peu penser à la descente
du Veyrier mais en plus long car là ce n'est pas 3km mais une petite
dizaine mêlant chemin à pierrier, enchaînant les dérapages et les
rattrapages in extremis mais quel pied !!! Je sais pourquoi je
fais ça, pour vivre ces moments-là, ceux qui te font ressentir que
tu es libre. J'ai failli me péter la gueule deux trois fois, mais la
sensation de liberté est plus forte que ça, et les jambes tournent
comme un moulin... Bref, un moment d'une rare puissance comme tant de
personnes en cherchent en pratiquant un sport à adrénaline !
La fin de la descente est plus calme,
c'est une partie de route qui nous emmène au ravitaillement de
Roquebillière. Là j'arrive avec une maxi patate, Marion est ultra
étonnée. Vers 6h dans la nuit, elle a eu un doute pour mon temps
d'arrivée et a checké le live pour s'apercevoir qu'en fait, j'ai
plus d'une heure d'avance sur ce que je suis censé avoir et c'est
ainsi qu'elle me voit arriver à 7h15 . A ce moment-là je lui fais
part de mon envie de repartir cash mais les avertissements qu'on m'a
donné font leur effet, je décide de m’arrêter. Elle m'annonce
aussi que Christophe est maintenant 4e et qu'il court accompagné de
Gary Imobersteg. Là j'entends un bénévole dire que l'hélico que
j'ai vu était pour le deuxième de la course. Christophe n'est donc
pas 4e mais 3eme ex-aequo !!! Je jubile intérieurement, il est
entrain de nous sortir la course de l'année (à savoir que je
l'avais pronostiqué pour me marrer 2e en 26h54).
Je prends le temps d'aller me doucher,
de me renoker, de manger, de discuter un peu avec Marion, je vais me
faire masser une demi-heure et vais même faire un petit dodo de 45
minutes. Bref je reste quasiment 2
heures à Roquebillière. Sur la
table de massage je croise Sylvain, avec qui je papote un peu et qui
m'informe qu'eux vont décoller vers 8 heures. Pour ma part, je
reprends le départ à 9h20.
Allez, une petite photo pour la forme.
Le soleil pointe le bout de son nez, clique ici pour voir l'ambiance
que je ressens
https://www.youtube.com/watch?v=-5K-wmNKavA
(tu te dis : « Il n'a pas osé !!! » Ben si !).
Il va refaire chaud mais j'ai le smile (le sourire en français) et
entame la deuxième partie avec deux vétérans dont un qui n'est pas
n'importe qui. Comme dirait son collègue, c'est tout simplement le
père d'une fille en or !!! Là vous vous dites :
« Oulalala ! Mamath tu craques ! Qu'est-ce que c'est
que cette connerie encore ? » Eh bien non, ce n'est pas
une connerie, c'est juste qu'un des vétérans est Jean-Louis Fer, le
papa de la championne olympique de canoë de slalom 2012 Émilie
Fer !!! Rien que ça !!! Je fais vraiment des rencontres
étonnantes sur ce parcours !!!
Après un petit moment de papotage avec
eux, on traverse un petit village, on s'arrête boire un verre puis
au moment de repartir je décide de me lancer dans la montée. Cela
va encore bien sur toute la partie route, je monte bien en marchant ;
malgré la chaleur je n'ai pas l'impression que le corps chauffe. A
un moment la trace quitte la route et ré-attaque la montagne et
là... Pan !!! C'est la claque ! Pour t’imaginer cette montée en
musique clique ici
https://www.youtube.com/watch?v=OfJRX-8SXOs
sauf que là, contrairement à la chanson, c'est pas du tout le
feeling good... Les jambes sont molles, le mojo disparaît, je me
sens tout flagada et à la limite de l'insolation. C'est alors que va
me venir mon seul et unique regret de la course... Et si au lieu de
m’arrêter aussi longtemps j'avais profité de ma fraîcheur et de
la fraîcheur extérieure pour ré-attaquer cette montée ?...
Et si le massage du kiné m'avait cassé les pattes (bien qu'il ait
été vraiment au top) ?... Bref, un gros coup de mou vient de
m'atteindre. Je monte mais je m’arrête à tous les virages, dès
qu'il y a de l'ombre je rafraîchit la machine, dès que j’aperçois
de l'eau je mouille ma casquette et je me fais doubler par un flot
incessant de coureurs ! Je vais arriver durement jusqu'à la
crête de Clapeiruole.
Arrivé là-haut j'engage la descente
au ralenti pour ne pas chauffer. Je commence enfin à sortir du mal
grâce à l'ombre que me fournit la forêt. J'aperçois le
ravitaillement du relais des Merveilles et à ma grande surprise
Marion est là pour nous encourager. Je me pose, bois un coup,
remouille la casquette et repars. Les gens nous encouragent. Afin de
me changer les idées je lance des vannes en disant aux personnes le
long du chemin que si leur petit enfant leur demande de faire ça
comme sport, il faut les en empêcher, c'est vraiment un sport à la
con !!! Et là Marion va faire un truc énorme. Elle décide, vu
qu'elle a un peu de temps, d'engager la montée sur la cime de la
Valette en ma compagnie. Je monte comme un escargot asthmatique mais
c'est pas grave, on avance et le fait de parler avec elle me change
les idées. Pour vous donner une idée de la montée cliquez ici
https://www.youtube.com/watch?v=w93WsUpl9Gs&list=RDw93WsUpl9Gs
Durant toute la montée je ne cesse de me chanter cette chanson qu'on
n'arrête pas de marmonner avec Christophe lors de nos sorties
montagnes. J'ai le sourire en y pensant mais mentalement j'en chie.
Dès que je peux, je m’arrête pour mouiller ma casquette et peu
avant la cime, un homme nous rattrape ; je lui conseille de
faire la même chose, ce qu'il fait. Il décide alors de monter avec
nous et cet homme, ce n'est pas n'importe qui car à partir de ce
moment jusqu'à la ligne d'arrivée il va devenir mon compagnon
d'aventure ! Cet homme, c'est Yvan Fiori (P.S. : ce n'est
pas le père de Patrick), un gars incroyable, plein de ressources,
qui avait déjà bouclé cet UTCAM l'an dernier en 44 heures et qui
venait pour le reboucler en 35 heures, ce qu'il était en train de
faire s'il n'avait pas lui aussi chopé un coup de chaud après
Roquebillière ! A ce moment, Marion décide de redescendre et
de nous laisser poursuivre notre aventure ! Encore merci à
elle, c’était tip top.
Ainsi, entre limaces, on arrive assez
vite à se comprendre et on se met à courir/marcher ensemble à une
allure nous permettant de gagner des points de vie en sachant que la
partie de plaisir intense aura lieu après le ravitaillement du
Boréon.
Me revoilà donc bien accompagné. Nous
arrivons tout les deux au vallon Madame de Fenestre et là sa famille
l'attend. Nous nous posons un tout petit peu et quelqu'un de sa
famille me demande si on continue ensemble, ce à quoi je réponds
favorablement ! C'est vrai ça devient réellement un avantage
de partager son aventure à deux, surtout avec quelqu'un qui connaît
déjà la suite du film et qui peut me permettre d'en garder sous le
pied pour finir ,
Après une courte averse nous repartons
donc sur les chemins, pas à bicyclette mais bien dans nos baskets !!
On monte tranquillement en refaisant le monde à notre sauce jusqu'à
la cime du Pisset. La pluie a un peu rafraîchi le terrain, on
attaque la descente, j'ai les jambes un peu lourdes et il me dit de
ne pas m’inquiéter, qu'on ne va pas tarder à rejoindre une piste
qui nous emmènera jusqu'à la vacherie du Boréon. On avance donc et
là... Pim pam poum ! A une intersection, quasiment à l'endroit
de la piste annoncé par Yvan, un bénévole nous indique de prendre
sur la gauche par un balcon, balcon qui va nous sembler interminable,
mais bon comme on se dit, on n'est pas à plaindre car ceux qui vont
se le taper de nuit ne vont sûrement pas faire les malins :
c'est rempli de racines, de ponts en tronc d'arbres avec un bon
petit vide sur la droite, bref ce nouvel itinéraire 2016 n'est pas
des plus rassurants.
Mais bon, tant bien que mal on arrive
sur Boréon vers 20h25. J'y retrouve Marion. Depuis quelques heures
je me sens généreux et j'ai besoin de faire une offrande à la
nature... Tu m'as bien compris, il faut que je fasse un arrêt
toilettes ! On se fixe donc une petite heure pour se poser,
manger, faire ce qu'on a à faire (il y a deux belles ascensions, va
falloir monter léger) et s'accorder un petit somme. En gros on se
fixe un départ à 21h15.
21h15, sous l'arche, Yvan est là et
nous voici en route vers un double kv (non c'est pas le nouveau
sandwich de mcdo). C'est bien ce que tu penses, une bonne dose de
1000d+, de nuit, deux fois de suite, histoire de te démolir bien
comme il faut les quadris.
Après une partie de route on attaque
donc sereinement la première ascension qui est celle du mont Archas.
On se fait rapidement coller par un Nancéien et assez étonnamment
on a plutôt un bon rythme. Au fur et à mesure on sort du bois et là
mon émotion ressemble à ça
https://www.youtube.com
/watch?v=25QyCxVkXwQ
Le ciel est rempli d'étoiles filantes, je profite de la montée pour
les apprécier, je demande souvent à Yvan si tout se passe bien pour
lui, il me répond que le rythme est un peu soutenu mais que ça va
le faire sans souci ! Une chose est sûre c'est magnifique ce
mont Archas et on ne cesse de progresser vers cette arrivée tant
convoitée. La pente est assez raide et l'effort demande quand même
un peu d'énergie ! En montant on commence à se fixer comme but
d’être en haut pour 0h00 ce qui nous laisserait envisager un
objectif réalisable de 40 heures. Arrivés en haut on regarde la
montre : 23h45. On l'a fait ! On rencontre un groupe de
jeunes qui nous félicitent, ça devait être des ados autour d'un
feu, tout simplement au top, merci à vous d’être montés là-haut
pour encourager les coureurs ! Après une belle ascension dans
une nuit douce, un peu fraîche sur le sommet, j'ai enfilé ma veste
pour la fin. Alors qu'on s'arrête un peu pour discuter avec les
jeunes, notre comparse file tout droit dans la descente et avec Yvan
on se dit que ce n'est pas le moment de se faire une cheville. On va
donc descendre tout doucement ;) (cherche pas c'est fait exprès)
mais la descente est quand même un peu casse-gueule car on n'y voit
rien du tout. J'informe donc Yvan que je vais galoper jusqu'au ravito
de peur de glisser ou de me manger tellement on n'avance pas (c'est
assez paradoxal, mais j'ai le pied plus sûr en courant qu'en
marchant dans ces cas-là). Durant la descente je m'offre un petit
plaisir et déroule un peu ce qui m'amènera même à rattraper
quelques coureurs avant le ravito.
Arrivant en bas, je prends mon temps en
expliquant que j’attends mon collègue et qu'à mon avis il ne sera
pas là avant 20/30 min mais à ma grande surprise, à peine le temps
d'avaler une poignée de Haribo qu'Yvan me fait ravaler ma langue :
le voici derrière moi !!! Je suis impressionné car je pense
avoir pas mal appuyé sur la fin ! Il arrive en me disant qu'il
n'a plus de frontale et qu'il a été obligé de me coller le plus
possible car il n'y voyait rien !
Heureusement, on a décidé qu'on
finirait ensemble, du coup j’attends qu'il récupère un peu et on
s'élance pour la deuxième ascension, celle du mont Pépoiri en
espérant atteindre le sommet à 4h du matin pour coller à notre
objectif. Je sais que une fois celle-ci faite nous serons finishers
de cet UTCAM quoi qu'il arrive alors j'ai envie d'en découdre, mais
la fatigue se fait sentir. Yvan commence à être oxy et j'avoue que
j'accuse un peu le coup aussi, on recolle une féminine et décidons
de monter avec elle. Elle est très sympa et accepte ; j'avoue
qu'on n'a pas été super cool car étant assez oxy, c'est elle qui a
mené la plus grande partie de la montée. Cette montée est
d'ailleurs assez bizarre car très fourbe, on voit des frontales en
haut, on se dit que c'est là, eh bien non ! Derrière une sorte
de faux plat, ça remonte, et bien droit dans le pentu ! C'est
un peu le deuxième effet Kiss Cool... Ce n'est qu'en arrivant à
quelques centaines de mètres de d+ que j'ai repris le devant de la
cordée. On ne monte pas hyper bien mais on arrive quand même à
rejoindre quelques personnes qui commencent à être dans le mal, on
croise même un gars qui ne se souvient plus d’être passé à
Boréon ! Après un petit passage en crête et une autre petite
montée, encore un petit effort et le sommet va montrer le bout de
son nez.
L'arrivée à 3h45 au sommet de Pépoiri
est magnifique, je n'ai pas vraiment de mots pour le décrire, je
pense que je reviendrai le faire de jour car il doit être encore
plus beau mais même de nuit le spectacle est au top ! Voilà,
c'est fait, maintenant il suffit juste de ne pas se faire une
cheville en descendant et c'est sûr je rentrerai dans la grande
famille des ultra traileurs ! Je n'ai jamais douté un seul
instant pendant la course que j'allais finir, sauf problème
technique (genre cheville, coup de chaud ou bide en vrac), le mental
a toujours été là dans le fond même le samedi après-midi !
On entame donc la descente vers
Saint-Martin-Vésubie. Yvan me dit qu’après quelques mètres nous
allons nous retrouver sur un sentier puis sur une route mais là le
plan a encore eu des accrocs. Le premier est que le tracé a changé
et qu'il faut passer par un pierrier vallonnant et le deuxième ,
qui est un peu plus problématique, est que ma frontale commence à
montrer de sérieux signes de fatigue. « Une Échappée Belle
bis », me direz-vous ? On accélère un peu le pas pour ne
pas se faire un nocturne complète et on arrive tant bien que mal à
descendre jusqu'au sentier. Arrivés là ma lampe s’éteint et je
sors ma petite de secours mais autant dire qu'elle éclaire un
demi-orteil ! Donc pas de quoi se réjouir. Nous continuons
notre descente à tâtons, jusqu'à voir deux frontales arriver telle
une délivrance. Nous demandons alors aux deux personnes si on peut
continuer avec elles, ce qu'elles acceptent bien sûr !! Nous
voilà donc sauvés jusqu'au ravito, j'en profite pour envoyer un
message à Marion dans la fin de la descente en lui demandant de
m'apporter ma frontale à Colmiane si elle peut.
Nous voilà rendus au ravito. Ne voyant
pas Marion, je l'appelle et elle me répond qu'elle est à
Saint-Martin et qu'elle n'a pas moyen de venir. Je suis un peu dépité
mais un accompagnant va alors nous proposer d'aller chercher des
piles dans sa voiture avant de revenir avec une frontale au top pour
qu'on conclue ce périple.
5h42 : encore 10 kilomètres.
C'est parti pour le show, il nous reste 200d+, on part sur un rythme
tranquille car Yvan est totalement oxy. Je vois alors que l'objectif
de finir sous les 40 heures va être difficile mais je n'ai pas envie
de laisser Yvan pour finir seul. J'ai partagé tellement de choses
avec lui que je n'envisage pas de finir sans lui ! On arrive à
6h 41 à l'avant-dernier poste de contrôle et là le bénévole nous
annonce que pour descendre jusque Saint-Martin il reste environ 1h15.
L'objectif va donc être ultra tendu et je pense qu'à ce moment là
Yvan a vu en moi cette petite déception. Elle n'était pas immense
car je savais que j'allais finir cette aventure mais je ne sais pas,
je trouvais ça magnifique de la finir en moins de 40 heures, ça
aurait été un plus, ce genre de plus qui ne veut rien dire au final
mais qui vous met encore plus d'étoiles dans les yeux. C'est con
comme barrière mais à ce moment-là il a dû lire ça en moi car il
est allé chercher toutes ses dernières forces en me disant :
« Bon maintenant y a les crêtes et la route finale, on se met
en mode footing cool à 8/9km/h et on va la chercher cette
barrière. » Je n'en revient pas ! Quel cadeau il était
en train de me faire ! Même oxy il allait chercher ça pour
moi ! Nous voilà donc sur cette dernière partie infinie en
mode footing après 135 kilomètres, le corps est vraiment
impressionnant quand il veut ! On trottine de partout, en
descente, en montée. Je regarde la montre, on entre dans
Saint-Martin, il est 7h25.
On l'a fait.
On sera sous les 40 heures. petite musique pour cette fin https://www.youtube.com/watch?v=9kJjCdV3JdM
Je lui dis que je viens de remarquer ce
qu'il a fait pour moi et ça me touche. Il m'avoue alors qu'il s'est
aussi pris au jeu de cette barrière des 40 heures. Je suis vraiment
touché par ce geste. On arpente les rues de Saint-Martin, tout est
fermé et le village commence doucement à s'éveiller. Là il me
dit : « Allez on recourt car l'arche est juste là à
gauche. » Encore quelques mètres, je vois Marion qui me prend
en photo et je regarde cette arche tant rêvée durant la dernière
année ! Et ce temps marqué en dessous : 39h04 !!!!
Hein ? What ?... 39h04 car quand on est un gland comme moi,
on ne sait pas compter. Avec un départ à 16h30 le vendredi ça fait
bien ça !!! Nous voilà donc sous cette arche tous les deux, il
veut me pousser pour que je passe devant mais je rétorque et la puce
a joué à son avantage en me flashant avant !!
Nous voilà, enfin je car Yvan l'était
déjà, « Ultra Traileur » !
Quelle aventure ! Que de joie
d'arriver au bout de cette aventure de la meilleure des façons !
Que d’émotions traversées ! Que de moments partagés avec
Cinthya, François, Yvan ! Que de personnes rencontrées au
cours de ces 39 heures avec Poussin et Clément, Jean-Louis ,
Christian et tant d'autres ! Que de sourires et de gentillesse
émanant de tous ces bénévoles ; une mention spéciale pour le
chef du ravitaillement d'Utelle qu'on a retrouvé au ravitaillement
final ! Que d’émotions partagées avec Marion qui a vraiment
été au top durant tout ce week-end, quelle chance on a eu de
l'avoir avec nous ! Que de plaisir et de joie d'apprendre que
Christophe avait gagné cette édition en explosant le record d'une
bonne heure et en finissant main dans la main avec Gary !
Bref, une chose est sûre, l'UTCAM est
et restera à tout jamais gravé dans ma mémoire, un premier ultra
qui en annonce d'autres d'une manière certaine !
Je suis encore rempli d’émotion en
écrivant la fin de ce compte-rendu, j'ai passé un week-end
incroyable... Encore merci à tous ceux qui ont permis ça :
organisateurs, bénévoles (surtout les bénévoles), amis, famille,
jusqu’au loup qui a partagé ses montagnes sans pointer le bout de
son nez.
Voilà le récit d'une personne qui, il
ya deux ans et demi, pensait que courir était un sport pour les
glands et qui aujourd'hui fait partie des plus cons !;)
Merci d'avoir pris la peine de me lire
et surtout n'oubliez pas vos rêves !