mercredi 12 septembre 2018

UTE ma couille

Hey Vik ! Mon plan de traversée des calanques vient de tomber à l'eau, du coup est-ce que vous seriez prêts à avoir un compagnon de route pour la fin de votre périple ?

Pas de souci Mamat, sache juste que ca va être hyper sauvage et qu'il va falloir avancer ! Et c'est en full autonomie, j'ai pas le temps de gérer pour toi, ça m'a pris des mois.

Sur ces mots, à peine le messenger fermé j'avais déjà trouvé un covoit pour m'amener au plus près du chantier (j'avais repéré une possibilité de les rejoindre à Navette, km144 pour eux, solution que je vais adopter finalement) et un covoit retour de Briançon le dimanche après l'épopée.

Je fis donc mon sac comme si j'allais partir pour 3 semaines en gardant en tête la possibilité d'affronter le froid, la grêle (qu'ils ont eue la veille de mon arrivée), la pluie, les loups, les ours, et toute autre chose qu'on peut rencontrer en 28 heures de balade en milieu montagnard, surtout quand le tracé est fait par le Vik.

Me voici donc dans mon covoit le vendredi aprem, je sais où je vais, je sais d'où je rentre mais ce qu'il y a au milieu j'en ai pas la moindre foutue idée ! Je sais juste que ça va être une bonne bambée et qu'il y a barbecue dimanche midi. En papotant avec mon super covoit, Nico, je lui explique l'idée du truc et qu'une fois déposé à St-Firmin il me faudra trouver un autostop pour m'emmener dans la vallée. Et là, par chance ou coup du destin, je ne sais pas trop, j'ai trouvé le seul covoit qui était fan de la vallée du Valgaudemar au point où le gars m'a laissé quasiment à mon point de rendez-vous avec les aventuriers de UTEMC (Ultra Tour des Ecrins Ma Couille).



Sur place à 18h je prends donc le temps de faire une petite sieste allongé dans l'herbe en profitant de la vue, avant l'arrivée à 19h de Julien aka Chirov et Jasna un couple d'amis du Vik que je ne connaissais pas et qui ont eu l'idée folle et farfelue de s'offrir pour leur anniversaire de mariage (on l'a appris pendant l'aventure) de faire l'assistance sur 5 jours des deux fêlés partis faire l'UTEMC...




D'ailleurs vous êtes sûrement en train de vous dire que l'UTEMC, c'est bien beau comme raccourci, y nous en parle comme si c'etait l'UTMB, comme si c'était the place to be une première semaine de septembre !! Mais nous on n'a pas la moindre idée de quoi y cause le garçon... Alors l'UTEMC c'est en fait l'UTE (Ultra Tour des Ecrins), un projet assez dingue né dans la tête du Viking aka Sébastien Bocahu. L'idée était d'entraîner avec lui son pote Julien Christian pour faire une petite balade champêtre de 220km (comptez plutôt 245...) et 21000D+ dans le massif des Ecrins. Une trace unique, née dans le bocal un peu fêlé de cet amoureux de la montagne résidant à Briancon qui consiste à partir de chez lui, faire une belle bambée en passant par des endroits qu'il aime bien, et revenir chez lui après ça. Tu me diras, dans le concept, c'est plutôt cool !! Et tu sais quoi ?... Ça l'était. :)

Je suis donc rejoint à Navette, endroit qu'ils nomment Base de vie 2, par Chirov et Jasna que je prends plaisir à découvrir et avec qui j'entreprends de monter la base de vie et de faire le barbec de ravito pour nos deux grands sportifs. Sur le roadbook établi par Vik, leur passage devrait être autour de 21h50 mais les suiveurs de choc ont vu passer Julien aka JUCB et Vik  à l'Ubac vers 17h et JUCB avait un peu d'avance sur le Vik et devrait arriver vers 21h .


On établit donc tout le campement puis on se dirige vers la trace où les coureurs doivent passer vers 21h afin de les conduire à l'endroit où on a établi le barbec (rappelons qu'un feu est interdit dans un parc naturel, on a donc dû sortir du parc pour faire le barbecue) et à notre grande surprise on remarque une frontale après le point de passage. On gueule un coup et en effet JUCB, ne nous voyant pas au point de passage, avait continué pensant que nous étions plus loin. On discute donc avec lui un peu, on l'emmène manger un bout puis il décide d'aller se coucher un peu avant notre départ prévu à 1h50. A ce moment-là le Vik est encore en chemin. Je décide donc de remonter la trace en direction du col de Beranne pour aller à sa rencontre et redescendre avec lui.  Je ne cesse de monter, éteignant ma frontale afin d'essayer d'apercevoir la lueur de la sienne mais rien... Au bout de quasi 500m de D+ j'aperçois sa frontale... et je comprends de suite qu'il y a un souci. Il a beaucoup de retard et ne marche pas très vite. Et cela ne loupe pas. Dès que j'arrive à son niveau il me fait part de sa douleur au genou qui lui est insurmontable. J'essaye de le rassurer, de lui changer les idées mais rien n'y fait. On redescend à un rythme très cool et pour lui, il le sait, cette base de vie marque la fin de l'aventure.
Arrivés à la base de vie vers 0h50, on s'assoit autour du feu et on commence à envisager la suite, on mange, on boit une bière et on essaye de voir comment le reste de l'aventure va se dérouler mais pour cela il nous faut l'avis de JUCB. Et quand on parle du loup il montre très vite sa queue... JUCB a un probleme de GPS. Qu'à cela ne tienne, Vik va lui filer le sien. Il se pose, on fait un rapide topo qui se veut épique et il me regarde en me disant : “Mat t'es chaud ? On décolle dans 10 min !” Quand faut y aller... J'allais donc passer la fin de mon aventure avec quelqu'un rencontré 2h avant au coin d'un feu et sans mon pote que j'étais venu accompagner... mais bon quitte à être ici autant se faire plaisir et l'aider dans son périple.

1h40. Nous voila donc partis à l'aventure nous et nos sacs, dans une partie du tracé où même Vik a des doutes à propos du chemin de nuit et on va pas être déçus ! Dès les premiers instants, on remonte une cascade et là JUCB me dit : "Avance un peu et dis-moi si ça passe..." J'ai avancé un peu et on a vu, enfin... façon de parler... 50 mètres plus loin je lui réponds : "Demi-tour ! J'ai une falaise sous mes pieds..." De nuit ça a été, de jour j'aurais peut-être moins fait le malin... Cela faisait à peine 1heure qu'on était partis et on jardinait déjà... Je vous laisse donc imaginer que les 80 kms suivant allaient être longs... On rebrousse donc chemin et on trouve un passage qui nous mène sur une sente qui monte à peu près vers la trace.


Nous voilà donc engagés dans ce beau bloc de montée de 1600 mètres de dénivelé positif. Le rythme
est plutôt cool et je suis assez étonné que JUCB ait encore autant de patate après 145km, il commence déjà à m'épater... Ne se connaissant pas, on papote et la montée passe assez vite. On mange le premier kv (pour moi) à bonne allure et on débouche sur un endroit qui va vite nous en faire baver. On est à ce moment-là vers 2300 mètres et on sait que le col où on doit passer est à 2700. Vik nous avait prévenus : ici c'est du hors sentier, droit dans le pentu et dans le dévers. Eh bien on n'a pas été déçus, on jardine plus que Jean-Pierre Coffe le dimanche sauf qu'on est samedi, qu'il fait froid, qu'on a les pieds trempés et qu'avec la nuit les repères ne sont pas tout à fait les mêmes. On s'engage dans des arrêtes, on fait demi-tour, on les contourne, on remonte, on redescend... Bref on se dit que de jour ça doit quand même être super beau mais que là, de nuit, c'est assez obscur ! On était bien, tout était calme, on avançait et on commence à entendre un, deux, puis plusieurs aboiements. Je regarde JUCB et lui lance : "Tiens ! Mais on dirait qu'ils se rapprochent bien ces bruits !..." En effet, se promener ici n'était pas vraiment au goût de tous et surtout pas au goût des patous qui gardent les troupeaux d'altitude. Autant vous dire que rien à foutre du dévers, on a accéléré le pas pour ne pas finir en hot-dog pour patous...


On arrive donc en haut du col de Morge et de ses 1620m de D+ aux alentour de 6h, après 7 glorieux kilomètres. On avait donc 1 bonne heure de retard sur le road book mais bon le road book est juste là pour nous donner une approximation et on le sait, on n'a pas chômé dans la montée mais jardiner nous a fait perdre pas mal de temps. Le col passé, le Vik nous avait dit : "Vous allez voir les gars, y a une sente qui est dans le coin pour redescendre à travers les bouts de pierres noires, si vous la trouvez c'est easy, après, de nuit, ça va pas être de tout repos.” Eh bien vous me croyez, vous me croyez pas, on a galéré peut-être 20 min mais on l'a trouvée et ça nous a pas fait de mal après  l'assaut en dévers qu'on venait de se taper les 3 heures d'avant... On avance donc à notre rythme, on papote famille, voyages, on traverse une fois la rivière, puis deux fois... puis trois fois... puis je ne sais plus exactement combien de fois mais on l'a bien traversée cette satanée rivière avant d'arriver au petit jour vers une cabane où une voix douce et délicate, assez semblable à celle d'un fumeur abusif ayant pris une cuite la veille, nous accueille d'un "Ben alors ? Vous v'nez d'où ?" et de nous de répondre naïvement : "Du col de Morges" avant de se voir répliquer "Non mais ça c'est impossible, c'est du col de Valpierre que vous v'nez, ça fait 40 ans que je suis là et y a pas de passage au col de Morges donc c'est de Valpierre que vous v”nez !" Devant l'affirmation et l'heure matinale de notre débat, on signe l’armistice et on abdique devant tant de certitude avant de continuer notre chemin vers le col de la Valette pour rejoindre le GR54 et se diriger vers Vallon Plat.


Le jour levé, les paysages sont magnifiques. En se retournant on voit bien le col et l'arrête de Morges et on se dit que c'est quand même pas dégueu et que le Vik a du goût. Notre discussion à ce moment-là est assez mono-sujet.. Mais où a-t-il vu qu'il y a 300D+ (selon le road book) ? En effet, on monte sans cesse et bien dans le pentu... Bref ce roadbook va bien nous occuper et on va mettre être capables de donner des heures de passages à des horaires précis tellement ça nous a fait marrer, mais bref, c'est pour plus tard...


Le GR54 rejoint, c'est quand même de la sacré belle beauté. Ce massif que je ne connaissais pas hier et qui se dévoile au fur et mesure que le jour se lève est quand même une tuerie. Après une petite pause saucisson/mélange énergétique  framboise, on s'engage dans la descente qui va nous mener au refuge  Pré Chaumette où on doit se poser 30 minutes et pas une de plus... On continue donc à discuter, JUCB me propose d'augmenter le rythme, ce qui me convient et là, dans une petite rigole creusée par l'eau, à un moment pas plus technique que ça mais dans un moment d'égarement, ma cheville fait flip flap, comme la girafe, et émet un petit craquement de plaisir tellement elle est contente de ce trick.





Bref en clair et avec les sous-titres, comme un gros gland, dans un moment d'absence de concentration, je me fais une belle entorse. JUCB me demande cash si ça va. Mais quelle question ! Ça va comme un mec qui vient de se faire la cheville... Heureusement pour moi, plus de peur que de mal, elle va me lancer jusqu'à la fin mais pas d’œuf ou de trucs qui vont me stopper net à cet endroit. En même temps il aurait pas fallu car on est à 23 km de la prochaine base vie et dans tous les cas il nous faut marcher au moins 4 heures pour arriver à une route... Je serre donc les dents et continue à descendre en marchant vite en espérant que la douleur va se calmer.


Arrivés au refuge Pré Chaumette on a toujours notre heure de retard sur le roadbook. On décide de se poser pour manger la planche de charcut' la plus belle de notre vie  (bazinga) et de boire pour moi un coca avant de repartir. 9h33 (Eh oui ! Je vous avais dit qu'à force de checker le road book on allait avoir des souvenirs précis des heures) on décolle pour la montée qui va nous emmener au col de l'Aulp Martin en passant par le col de la Cascade. Malgré la douleur qui me lance à certains moments je suis plutôt content car la cheville répond plutôt bien et je peux monter sans trop de difficulté. JUCB part devant car je ne veux pas plus le retarder mais j'essaye de m'accrocher pour le garder en vue ce qui va me faire plutôt bien avancer. La montée est assez longue (environ 1000D+) mais à mon grand étonnement Pacman l'a assez bien mangée puisque les 3h de montée depuis le refuge indiquées par les panneaux on été avalées en 1h45 pour ma part avec un passage en haut à 11h11 et pour JUCB (je l'apprendrai plus tard) un passage à 11h08. Le col de la Cascade passé, la vue est à couper le souffle ! On se dirige en balcon jusqu'au col de l'Aulp Martin toujours avec un écart entre les deux mais un écart qui me laisse la possibilité de le garder à vue.


Le temps est idéal. Autant ils en ont bavé les derniers jours, autant là c'est grand soleil et ma peau va pouvoir redevenir vanille fraise vu que j'ai encore oublié de mettre de la crème solaire.  Le col de l'Aulp Martin franchi, la cheville tient plutôt le coup mais le moment le plus dur arrive. En montée ça va, je ne m'appuie pas trop dessus, mais en descente ça va pas être la même.  Et quelle descente ! C’était pas 800 D- comme on le pensait pour rejoindre la base de vie 3 mais bien 1150 ! On avait omis le fait que le roadbook ne nous amenait pas directement à la base de vie mais qu'il y avait une étape.

La descente se déroule plutôt bien, je prends mon temps et demande pratiquement à chaque personne croisée si mon coéquipier de galère est loin et étonnamment, plus ça va et plus je le rattrape, jusqu'au moment où dans une petite gorge je le vois passer un groupe de randonneurs. J'entreprends à ce moment-là de vérifier les dires des personnes rencontrées et me mets à calculer l'écart de passage qu'il y a entre son passage vers les randonneurs et le mien. J'avais juste oublié un léger détail qui allait faire que mon calcul était plus que merdique, c'est que quand JUCB est passé les randonneurs étaient en mouvement et ont continué leur mouvement donc lors de mon passage, le temps que j'aurais n'indiquerait en rien l'écart qui me séparait de lui... Bref vous voyez que quand on cours plus qu'une heure, des questions existentielles et  hyper rationnelles se mettent à émerger dans un endroit où il ne devrait pas y avoir ce type de réflexions.


Je continue donc à avancer et dans un virage j'ai la surprise de le voir posé sur une pierre ! En arrivant à son niveau je lui demande si tout va bien et il me dit avoir un gros coup de mou, ce coup de mou où tu te demandes ce que tu fous là, dans un off, à naviguer parfois à vue, avec un éclopé qui te suit tant bien que mal... Pour le remonter, je lui propose un saucisson qu'il va refuser, à mon plus grand délice, et on redécolle ensemble jusqu'à la cabane de Jas Lacroix où Chirov est venu à notre rencontre. Après quelques échanges avec Chirov, JUCB et lui déroulent un peu jusqu'à la base de vie sur un chemin qui nous semble interminable (5 km) où j'arrive encore, en marchant, à les garder à vue.
13h30 nous voici donc à la base de vie 3. Le road book nous indiquait 11h, on avait un peu de retard... :) Mais bon, pour ma part j'étais arrivé à un endroit où je pouvais stopper tranquille et où la voiture allait pouvoir me conduire. J'étais un peu déçu de stopper là mais bien content de ce que je venais de vivre, autant au niveau de la rencontre humaine que des paysages découverts. Ce mec avec qui je venais de partager 12h est une putain de belle rencontre et possède une machine hors norme. Vers 16h JUCB a repris le chemin de son tour pour boucler l'UTE en 88 heures. Arrivé à 4h20 le dimanche matin, il vient de finir un petit tour de 220km (240?) et 21000D+. Une sacrée aventure sur une trace faite par Le Vik où y a quasi rien à jeter.


Bref un week-end un peu imprévu qui m'a fait découvrir un peu de ce massif où je reviendrai, pour sûr... Encore merci à Chirov et Jasna pour le suivi et ravi de vous avoir rencontrés, bravo à toi JUCB et merci pour ces 11 heures de partage où on a bien ri !!! Et un énorme merci à Seb (Vik) et Elena pour l'accueil et ce week-end extraordinaire... Des moments comme ça on souhaite en vivre un maximum ! J'ai des images plein la tête et qu'une envie, venir voir l'autre partie.